« Chronique belge au temps du Covid19 »

Ce texte a été rédigé, un peu avant pâques 2020, par Pascale Piérard du Centre culturel Ourthe et Meuse

Chronique Belge au temps du Covid19

Aujourd’hui la Belgique s’est éveillée sans avoir pris le temps de s’endormir.
Il suffirait d’un peu d’intelligence en plus du reste pour reléguer les questions communautaires au fond du puits. Cela n’est pas peu dire pour qui connaît l’histoire de notre pays.

Les marchés de masques font la une alors que les carnavals s’annulent.

Les fermetures des écoles et des frontières chez des voisins nous ramènent violemment dans nos chaumières. Si souvent délaissées pour aller voir ailleurs si l’herbe n’y est pas plus verte, nos maisons vont se faire accueillantes et havres de repli et de protection.
Nos petits véhiculeraient le méchant personnage plus vite que d’autres, ce virus tant redouté.
Et nos aïeux se l’approprieraient encore plus rapidement.
Et les autres sont entre les deux. Ils transportent mais sont aussi susceptibles d’être atteints.

Si le papier wc venait à manquer, nous avons suffisamment de discernement pour trouver des solutions.
Mais ce qui semble incontournable c’est le savon ! Quoiqu’il arrive, d’ici quelques semaines nous serons devenus experts en lavage des mains. La paume, le dos, les interstices.
Nos CV en seront renforcés.

Les hommes très âgés disent que même pendant la guerre, les cafés restaient ouverts à certaines heures. Or aujourd’hui les cafés sont fermés.
Donc ceci n’est pas une guerre. C’est autre chose. Une agression qui nous assigne à résidence.

Qu’importe d’où le vent a soufflé pour nous amener cette maladie. Nous sommes tous sur le même bateau alors que des migrants, au même instant, supplient le marin de les laisser débarquer sur une côte.
On devrait peut-être tous aller nager ? On m’a dit que le chlore tuait le microbe.

On m’a dit, on m’a dit…On nous dit que, on vous dit de …..On, on….On écoute et on applique !

Il va falloir occuper les petits, ne pas perdre les acquis, se dire bonjour avec les yeux, brancher les systèmes de vidéo-conférences, recharger ses portables pour appeler les papys et les mamys seuls et incrédules.

Les tabliers blancs sont empilés dans les salles de garde en vue des nombreuses ouvertures et fermetures des doubles portes battantes qui sont annoncées.

Le Bel20 tangue, les chercheurs ont les yeux cernés et les manches retroussées un peu plus chaque jour sur les plateaux télé.

On a d’abord interdit les spectateurs dans les stades de foot puis on y interdit les joueurs. Il reste le ballon. Il va rouler grâce au vent.

Les kilos de farine et de sucre dans nos garde mangers contribueraient à réduire une anxiété générale.
Les psychologues et les sociologues expliquent.
Halte aux achats, les responsables rassurent. Il y en aura assez !
Le prix de l’essence est en baisse mais c’est mieux de ne pas trop circuler.
Au fond des tiroirs, on cherche un jeu de cartes, les sauces spaghettis mijotent.
Si les mamans se mettent à faire des galettes avec les enfants, on sera tous obèses dans quelques semaines.

Heureusement les crocus sont là. Les jonquilles très très jaunes mais fleuries très tôt. On est contents de les accueillir lors d’une petite balade.

Les autres disent que nous sommes le pays du surréalisme. Parfois cela nous flatte, parfois cela nous vexe. C’est selon nos humeurs.

Mais si le surréalisme nous permet d’inventer des jeux pour nos enfants, de rire à quelques-uns (pas trop nombreux) d’envoyer des cartes postales aux personnes seules, de déposer des courses sur le seuil du malade ou devant un sdf, de se saluer avec les yeux ou les pieds, de redécorer les parterres de nos jardins, de lire un nouveau bouquin, d’écouter de la musique, de faire preuve de bon sens, de faire découvrir des cours par correspondance à nos adolescents, d’être créatifs, d’innover, d’insuffler de la force solidaire au corps médical et à toutes celles et ceux qui doivent décider, alors nous en revendiquerons la primauté.

Personne ne capturera notre imaginaire de survie, il a toutes les latitudes pour s’exprimer.
Eendracht maakt macht.
De Damme à Bleid, vive la vie!