« Les Centres culturels et la lutte contre la pauvreté. Vers un engagement affirmé ? »
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L’ASTRAC tient à remercier :
- Carine Dechaux (Centre culturel de Rochefort), Delphine Dujardin (Centre culturel de Rochefort), animatrices
- Myriam Lambotte (CEC de Wanze), Bruno Hesbois (Compagnie Buissonnière), Chantal Cornet (Lutte Solidarité Travail), personnes-ressources
- Thierry Wenes (Centre culturel de l’Entité Fossoise), rapporteur
L’ensemble des participants inscrits :
Caroline BONDURAND (animatrice CC Chapelle-lez-Herlaimont ), Pascal BOUILLON (animateur éducation permanente CC Bertrix ), Virginie CORDIER (directrice La Vénerie ), Marina DANESE (animatrice CC Nassogne ), Quentin DESMEDT (animateur CCPaC ), Michel GEERTS (animateur éducation permanente CC Ottignies ), Christel GHIN (porteuse de projet participatif EP CC Waterloo ), Benjamine HUYGHE (directrice CC Welkenraedt ), Hélène JANSSENS (chargée de projets Archipel 19 ), Thomas KEMPENEERS (directeur CC Waremme ), Charlotte LALOIRE (chargée de projets ACC ), Delphine LEROY (chargée de comm CC Peruwelz – Arrêt 59 ), Sophie LEVEQUE (conseillère Cabinet de la Ministre Linard ), Madeleine LITT (animatrice FC Perwez ), Maud MALLET (chargée de comm CC Mouscron ), Frédéric MULLER (directeur CC Dison ), Fatima RAMDANE (animatrice CC Quaregnon ), Claire RIGAUX (animatrice CC Beauraing ), Bruno SPEYBROUCK (chargé de projets Archipel 19 ), Elsa VANDECNOCKE (animatrice CC La Venerie ), Thierry WENNES (animateur CC Fosses-la-Ville ), Sarah WLOMAINCK (animatrice CC Ath).
Consultez le rapport en pdf (celui-ci ne contient pas les liens vers les outils ou les institutions)
Compte-rendu de l’atelier
Pour rappel, le double but de cet atelier était :
- d’échanger entre participants sur les projets culturels avec des personnes en situation de pauvreté, les difficultés et les bonnes pratiques
- de s’interroger sur le rôle militant des Centres culturels dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
1ère partie : Témoignages
Festival « On n’est pas tout seul ! » – CC Rochefort
Historique du projet
Les archives du Centre culturel de Rochefort montrent déjà des initiatives en matière de pauvreté lors de la Journée mondiale du refus de la misère de 2008. Le Groupe « Solidarité Vigilance » de la Paroisse de Rochefort interpelle le Centre Culturel dans le but de rendre la journée visible dans l’espace public et, plus particulièrement, dans la rue, notamment en nouant et pendant des draps aux fenêtres.
Au départ d’une seule soirée, et au fil des années, de nouvelles portes ont été ouvertes et de nouveaux partenaires se sont associés au projet (ou s’en sont retirés) – partenaires issus du monde culturel ou pas : Oxfam, le Centre d’information et de documentation pour Jeunes, La Passerelle (Plan Drogue), le CPAS, la Compagnie Buissonnière (théâtre action), les Equipes Populaires (Education Permanente).
Certaines années, le projet a été combiné avec d’autres grosses manifestations : le Festival International de Théâtre Action ou FITA, grâce à la participation de la Compagnie Buissonnière, la Quinzaine de l’Égalité des chances …
Au cours des 12 dernières années, la Journée du refus de la misère a été abordée de manière différente, en 2008, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015. Chaque fois, une évaluation a permis de faire des ajustements, jusqu’à arriver à « On n’est pas tout seul ! » en 2017-2018.
Parmi les conclusions de ces évaluations :
– Les personnes vivant la précarité n’étaient pas présentes. Difficulté de les toucher… (2008, 2015)
– Les travailleurs se sont sentis « utilisés ». (2011-2012)
– Les bénéficiaires du CPAS n’avaient pas envie de venir au spectacle pour voir ce qu’ils vivent tous les jours. (2011-2012)
– Ressenti d’une démarche trop sociale, d’une orientation trop « politique ». (2015)
– Quand on fait se rencontrer les jeunes et les artistes… le dialogue naît. (2015)
– Constat de l’expertise de ces partenaires qui permet d’identifier et de répondre au mieux aux besoins/questions des populations. Créer de nouvelles solidarités commence par une solidarité de fait entre associations, qui peut ensuite s’étendre aux gens qui les fréquentent. (2015)
– Ingrédients indispensables : temps et confiance, relations interpersonnelles, engagement, questionnements (2015)
« Ne pas utiliser les gens pour mettre les actions en valeur mais utiliser les actions pour mettre les gens en valeur. »
Les dernières éditions
2017-18 : La Journée du refus de la misère devient « On n’est pas tout seul ! »
Le festival rassemble différents partenaires issus du monde social et du culturel, et ce durant deux jours : un vendredi et un samedi.
Le théâtre action est au centre. Les spectacles présentés sont le fruit d’une réflexion et d’un travail réalisé par des personnes issues de la précarité. Les programmer est l’occasion de valoriser leur travail mais aussi de mettre les gens au centre des débats et de susciter un brassage d’idées. Pour certains, le théâtre action est une réelle découverte.
Le festival met en lumière « ce qui ne va pas », mais il montre aussi des expériences positives, expose le côté ensoleillé des gens, valorise des richesses qui ne sont pas monnayables.
Parmi les participants du vendredi, un « public captif » avec notamment un groupe du CPAS. Obligés de venir, certains d’entre eux, auront pourtant plaisir à revenir par eux-mêmes.
Le public du samedi est différent et moins nombreux. Il peut assister à un spectacle de théâtre action. L’après-midi est consacré à des ateliers de découverte de différents modes d’expression. Au terme de ceux-ci et au cours d’une mini-représentation, on assiste, chez certains, à une révélation : des émotions sont dites et entendues.
2019 : « On n’est pas tout seul »
Cette édition est toujours portée par les Equipes Populaires, la Compagnie Buissonnière, Lutte Solidarité Travail, la Cellule Article 27, le CPAS, le Centre d’Interprétation et de Documentation des Jeunes. Ils sont rejoints par le collectif Cantine Famennoise qui prend en charge l’accueil informel des transmigrants basés dans les bois de Villers-sur-Lesse.
Un constat est dressé : certains opposent systématiquement la « pauvreté belge » à la « pauvreté migratoire », ce qui nourrit du racisme qu’il serait bon de démanteler.
La programmation s’attelle donc à aborder les thématiques pauvreté et migration et à mélanger les publics. Le théâtre action est toujours bien présent, tout comme les moments d’échanges et de débat (formels et informels). Ils permettent aux participants de prendre conscience qu’ils ne sont pas, forcément, en opposition mais bien dans la même galère. De là, s’en suit une réflexion : et si on s’unissait ?
L’édition propose aussi des actions plus « terre à terre » : une donnerie, un atelier zéro déchet.
Les paroles rebondissent, les idées se véhiculent, les oppositions se détricotent et certains se voient légitimés dans leurs actions ce qui les encourage à poursuivre leurs actions mais aussi à revendiquer plus. La mise en place d’une quatrième édition est une évidence ; certains partenaires souhaitent même passer à trois jours pour laisser plus de place au public scolaire.
Par ailleurs, cette troisième édition se prolonge en accueillant le Musée du capitalisme, un projet porté par les partenaires du festival, avec d’autres associations. Avec la programmation culturelle, les ateliers et visites proposées autour du Musée, le public « précarisé » continue à franchir les portes du Centre culturel qui leur permet de mieux connaître et comprendre les réalités des uns et des autres et d’envisager de nouvelles collaborations.
Les activités sont des occasions de rencontres et d’échanges, pour les publics et pour les partenaires culturels et sociaux.
Le point de vue de deux partenaires
Lutte Solidarité Travail (LST) – Chantal Cornet
Quelques mots sur LST
Née dans les années 1970, LST est issue de la réflexion de différentes associations qui permettent la rencontre de personnes qui vivent des réalités difficiles de pauvreté et d’isolement. Dans un premier temps, elle s’adresse aux « squatteurs », puis s’étend à d’autres publics, toujours, en situation de grande précarité.
Le but est de rassembler, d’échanger, de favoriser la prise de parole (notamment via la création du journal « La main dans la main »), le tout, en vue d’interpeller les pouvoirs et autres institutions publics : communes, CPAS, régions, …
Depuis quelques années, LST est présente à Namur pour la Journée mondiale du refus de la misère. Elle mène, en parallèle, la campagne « Transparent », avec l’installation dans des lieux d’accueil de silhouettes transparentes qui véhiculent le message « On tente, nous les pauvres, de nous rendre transparents mais nous résistons à vos tentatives comme nous résistons à la misère. » La campagne sert aussi à attirer l’attention sur les chiffres officiels sur la pauvreté qui ne prennent en compte que les pauvres « pris en charge ». Or nombre de personnes refusent les aides qui sont conditionnées par une « mise à nu » systématique pour prouver son état d’indigence.
La grande pauvreté et la vie culturelle
En 1994, un rapport commandé par le Ministre de l’Intégration sur la pauvreté et l’exclusion, privilégie pour la première fois une approche fondée sur le dialogue entre associations dans lesquelles des personnes pauvres s’expriment, représentants des CPAS et instances scientifiques, administratives et politiques. Dans ce rapport, il est question de culture, avec des témoignages tels que « On crève de solitude et d’ennuis avant de crever de faim ».
Les pauvres doivent et veulent avoir accès à la culture autant qu’ils veulent avoir accès à un logement décent ou encore à manger tous les jours. En effet, la pauvreté culturelle est une des pires exclusions.
LST et « On n’est pas tout seul ! »
La présence au festival depuis 3 éditions permet de prendre place dans la vie associative de Rochefort et de questionner sur les causes et les conséquences de la pauvreté. Des familles membres du mouvement participent de manière active et récurrente au festival.
– Le nombre de participants augmente, avec en outre une fidélisation : le festival est attendu et devient une date incontournable pour certains
– Les personnes sont de plus en plus à l’aise, elles prennent de plus en plus la parole
– La participation à ce genre de de manifestation engendre aussi une certaine peur des possibles répercussions car les représentants des institutions qui accompagnent les personnes en situation de pauvreté sont présentes lors des échanges. Exemple : lors d’un atelier de théâtre d’objets, une participante a choisi un appareil photo pour dénoncer le « voyeurisme » du CPAS qui veut tout savoir et un revolver parce qu’elle se sent « trahie » par cette institution censée lui venir en aide…
Qu’est-ce qui fait que ça marche ?
– la qualité de l’accueil, l’écoute. Les participants ressentent du respect, pour leurs images et pour leurs paroles.
– On n’est pas dans une logique de « public captif »
– Le relais des paroles données : les spectacles « témoignent » de leurs réalités, les débats leur permettent ensuite de s’exprimer.
Le festival prend place une fois par an, mais la lutte, c’est tous les jours ! Il est une porte d’entrée pour aborder la thématique mais les dynamiques qui y naissent sont à entretenir tout au long de l’année…
La Compagnie Buissonnière – Bruno Hesbois
La Compagnie Buissonnière est une compagnie de théâtre action. Ses créations se font lors d’ateliers mis sur pied avec des acteurs sociaux tels que des CPAS. Ces partenariats sont le résultat d’une prise de conscience de l’importance des projets collectifs menés avec des acteurs culturels dont l’action était, jusqu’alors, très connotée.
La création d’une pièce est un travail de longue haleine (jusqu’à 1 à 2 ans) : il faut du temps pour construire le respect mutuel nécessaire pour faire naître une parole vraie.
Pour certains participants, les ateliers sont leur premier expérience de la culture/du théâtre. Le travail des partenaires suit parfois des temporalités différentes, qu’il faut apprendre/attendre à coordonner.
Pour que « la sauce prenne » il est important que le Centre culturel du territoire soit partie prenante du projet, et surtout qu’il se montre accueillant et investi.
Pouvoir présenter une création lors d’un festival tel que « On n’est pas tout seul ! » est une véritable reconnaissance. Car, souvent, la pièce, en plus d’être jouée devant un public réceptif, va servir de base à d’autres activités proposées le reste de la journée. Cela fait par exemple que des citoyens qui accueillent des migrants se sentent renforcés dans leurs actions. Il n’y pas des pauvres d’ailleurs et des pauvres d’ici…
C’est bien là un des buts du Théâtre action : réparer les inégalités ou, tout le moins, tenter de les réduire.
« A la recherche de l’anti-dèche » – CEC et Centre culturel de Wanze
Le Centre Culturel de Wanze a mené en 2018-2019 un projet de théâtre action avec des personnes en situation de précarité sur le surendettement et de la précarité énergétique.
Projet en partenariat avec différents acteurs issus du monde social dont le service « Médiation de dette » du CPAS, soutenu par le Fonds Social Européen.
Le travail de création de la pièce a été animée par la Compagnie « Espèces de… ». Au départ, 18 personnes se sont montrées intéressées à participer aux ateliers ; 16 sont restées jusqu’au bout. Ils se sont rencontrés une fois par semaine pour discuter, échanger leurs expériences, apprendre les codes et aléas du théâtre. Leur pièce s’est ainsi nourrie de leurs quotidiens et de leurs visions qu’elle a ensuite permis de partager. Elle a d’abord été joué en journée devant des travailleurs, pour partir ensuite pour des représentations tout public dans différents lieux.
Evaluation – constats :
– Ici aussi, le rôle du Centre culturel qui accueille l’initiative est souligné. Ce rôle a évolué avec le projet. Au départ, simple coordinateur logistique, le travailleur culturel en charge du suivi s’est impliqué de plus en plus.
– Ce genre de projet met en lumière les relations entre les usagers et les institutions.
– Les participants changent. Ils évoluent et acquièrent de la confiance et une meilleure estime d’eux-mêmes. L’isolement culturel est enfermant. Les spectacles débloquent la parole.
Conclusion de cette première partie : social + culturel + artistique = le trio gagnant !
2e partie : Échanges et réflexions partagées
Discussions en sous-groupes sur la question des freins
Quels sont les freins que nous rencontrons ; quelles pistes pour les dépasser ?
Le politique
- L’obligation de parité dans la composition des CA peut conduire des personnes très éloignées des réalités du monde culturel à siéger ; d’où l’importance de bien communiquer et informer. Idée : des animations/moments « échevins admis »
- La participation active du public a un impact sur les politiques. Privilégions les animations les plus efficaces, qui, au-delà de la « simple animation », créent des liens, donnent l’envie d’être ensemble.
- Rester dans son rôle : la lutte contre la pauvreté fait partie des enjeux du Centre culturel, mais attention, nous ne sommes pas des CPAS ! Avoir une idée claire de la thématique abordée. Opérer des choix stratégiques en répondant, le plus possible à des sollicitations.
- Élargir les partenariats ou encore aborder les autres champs de partenaires déjà présents (jeunesse, sport, tourisme, …)
- Motiver les équipes, générer des alliances
- Les mots sont importants ! Pour s’adresser aux politiques, parler « politique ». Recourir aux périphrases : précarité au lieu de pauvreté. Susciter l’intérêt, des mots comme « territoire – cartes » peuvent heurter…
- Éviter le rapport frontal, mettre en valeur les aspects positifs.
- Ne pas avoir peur de se référer au décret qui est un soutien légal et peut nous protéger, nous aider
- Être attentif à toute récupération politique
Nos propres « barrières »
- la méconnaissance
- du « public ciblé ». Il faudrait pouvoir prendre le temps de découvrir l’autre et ses réalités. Apprendre aussi à s’adapter
- du « sujet », qui peut freiner des initiatives. Une solution pourrait consister à s’entourer de personnes-ressources qui partageraient leur expérience et leurs connaissances
- des réalités et méthodes des partenaires, qui peut provoquer un éloignement (voir ci-dessous). Importance de donner un sens partagé au projet pour lever des contraintes.
- le « choc culturel ». Nous n’avons pas les mêmes codes culturels. Idée : créer un « guide du spectateur » où on pourrait développer la multiculturalité ?
- la peur
- du changement. Il faudrait pouvoir accepter de se remettre en question, de prendre des risques, de changer ses habitudes de travail. Ne pas tout bousculer, mais travailler régulièrement les préjugés et les interprétations qu’on en fait
- de l’échec, qui peut conduire à la passivité
- Question : Comment lutter contre l’apathie, l’inertie, le fatalisme, le déterminisme social ? En développant des méthodes d’éducation permanente ?
- Attention aussi à ne pas adopter une « position de sauveur » : nos savoirs ne vont pas solutionner toutes les situations. Faire preuve d’humilité.
La lourdeur, la complexité du travail en partenariat
- Chaque partenaire mais aussi chaque pouvoir subsidiant a son propre jargon. La communication peut être compliquée quand on n’arrive pas à parler la même langue.
- Les mentalités de travail sont différentes selon les secteurs : ce qui semble logique pour certaines professions ne l’est pas pour d’autres. (Tous les travailleurs sociaux n’ont pas conscience du sens des projets culturels proposés ; certains pourraient même se montrer « envieux » : Pourquoi des pauvres pourraient-ils avoir accès à des activités auxquelles, nous-mêmes, n’avons pas accès ?)
- Les partenaires sociaux sont aussi confrontés à des contraintes légales qui peuvent être lourdes et qui sont parfois/souvent appuyées par le pouvoir politique local (exemple : remise à l’emploi pour les CPAS). Le partenariat doit pouvoir se dégager de ces contraintes, abandonner l’aspect « contrôle » pour laisser la place à l’envie. Mais cela n’est possible qu’à condition de travailler sur le long terme.
- Les contraintes administratives sont fortes dans le monde des assistants sociaux ; cela complexifie la recherche d’alliés pour promouvoir l’article 27. Les contacts directs sont le plus efficace : se parler sans passer par la voie écrite.
- Les partenaires ont des horaires différents : certains travailleurs sociaux, les écoles, ne peuvent pas participer à des activités en soirée
- Dans certains secteurs et, notamment, chez les partenaires sociaux, le turnover peut être important : il faut alors chaque fois recommencer le travail pour expliquer, créer des liens, mobiliser, …
- Il n’est pas toujours aisé de trouver la bonne personne au sein d’une structure : celle qui aura une oreille attentive et qui pourra porter le projet plus haut. La personnalité des travailleurs qui seront amené à défendre l’importance du culturel dans la précarité peut jouer un rôle important. Mesurer aussi l’importance du management des travailleurs chez le partenaire, obtenir le soutien de la hiérarchie (président, directeur général, conseillers, …)
- Après chaque projet, se pose la question difficile de mener une évaluation digne de ce nom. Comment par exemple mesurer les impacts auprès des travailleurs sociaux ?
Les investissements, les aides, les soutiens ne sont pas les mêmes partout ; il est donc difficile d’avoir une grille de lecteur générale et de pouvoir donner des résultats quantifiables. - La logique de subsidiation des projets (délais à respecter, contrainte de finalité et de résultats, …) rend ceux-ci « rigides », alors que le travail nécessite une flexibilité, la possibilité d’avancer à son propre rythme.
- Certaines réalités pratiques peuvent être des freins importants : par exemple l’impossibilité de mettre des locaux à la disposition des associations. Difficile de faire naître une créativité sereine lorsqu’on ne sait même pas où poser ses affaires…
- Certains projets se heurtent à un manque de transversalité et un cloisonnement au niveau des initiatives, territoires, temporalités, …
Les préjugés
- La pauvreté n’est pas un thème joyeux ni sexy. On ne programme pas sur ce sujet aussi gaiement que sur d’autres ; certains moments de l’année ne s’y prêtent pas vraiment (Noël, par exemple). Une piste : aborder la précarité avec et par le jeune public. Parler aux enfants/des enfants finit bien souvent par ruisseler jusqu’aux parents ou plus loin même.
- Le nom que l’on donne à un projet n’est pas anodin, tant pour le message que l’on veut véhiculer que pour sa perception par le public. Exemple : un projet qui s’intitulerait « Lutte contre la pauvreté » pourrait être mal accueilli par le public tout en donnant l’impression d’être « marqués » aux participants.
- La croyance que « la culture et les personnes qui y travaillent, ce sont des rigolos bien éloignés des réalités de terrain » a la vie dure. Quand on arrive à trouver et à sensibiliser une personne qui fait preuve d’ouverture d’esprit celle-ci peut, par après, à son tour, défendre les projets.
Parmi les travailleurs sociaux, ceux qui sont « délégués à la culture » sont parfois vu par les collègues comme ceux qui s’amusent ; on ne les prend pas au sérieux. Il faudrait travailler sur cette image qu’ils véhiculent bien malgré eux.
Les interventions dans les écoles sociales permettent d’atteindre les futurs travailleurs sociaux et déjà commencer à détricoter les éventuels préjugés à l’égard du monde culturel. Une ouverture existe chez les professeurs notamment en proposant des spectacles / des formations dans les écoles.
Bonnes pratiques envers les « publics »
- Travailler avec, plutôt que pour les gens, ou sur des publics. Travailler la démocratie culturelle. Envisager, le plus souvent possible, la « programmation concertée », qui implique tous les publics
- Travailler sur les « ventres mous » : les indécis
- Pour bien travailler, il faut du temps (les associations d’éducation permanente le savent bien…) Valoriser le temps d’accueil qui permet de dégager des préoccupations partagées
- S’associer avec des compagnies professionnelles de théâtre action constitue un réel plus pour construire des projets impactant sur le long terme.
- Évaluer ce qui a été fait, même si le taux de participation était faible, vaut la peine. Ces évaluations doivent être quantitatives mais aussi qualitatives.
Un débat mouvant autour de trois questions clôture l’atelier
(1) Les Centres Culturels ont-ils un rôle à jouer dans la lutte contre la pauvreté (voire dans d’autres enjeux de société) ?
Pour tout le monde c’est OUI.
(2) Ce rôle est-il une forme de militance ou découle-t-il de leurs missions décrétales?
Pour une majorité des participants, il s’agit d’une forme de militance.
– On y croit
– L’éducation permanente, notre travail quotidien, c’est de la militance
– Il n’y a pas d’exclusion de certains publics lorsque l’on parle de militance
– Il ne faut pas confondre « militance » et « prosélytisme »
– Il existe une certaine graduation dans la militance
– Par moment, la militance devient une obligation face à certains manques
– Attention que la militance peut être un danger parfois !
Une minorité estime que c’est inscrit dans les missions des Centres culturels.
– Le décret/la défense des droits culturels nous « incitent » à agir
– Il faut susciter le débat critique, toutes les voix doivent pouvoir s’exprimer. Permettre le débat même sur l’extrême droite.
Réponses:
– Ne faut-il pas craindre une trop grande orientation ? Nous avons plusieurs publics et nos missions sont multiples.
– Nos missions servent parfois de « couverture » à des convictions personnelles, et peuvent ainsi légitimer certaines actions
Par militance ET parce que cela fait partie de nos missions ?
Réactions:
– Il y a gradation dans nos missions (devoir d’être critique)
– Doit-on et comment peut-on afficher notre soutien à une manifestation ? Pour certains, c’est Non, nous sommes une « institution » !
– Soyons prudents de ne pas être excluants. Provoquons le débat mais ne l’orientons pas. On n’a pas le droit d’être « trop » militant.
– Devons-nous nous positionner sur toutes les causes ?
– Nous sommes l’espace public ; pas de prosélytisme…
– Comment définir le terme « militance » ? A partir de quand fait-on de la militance ? (Ex : Communes Hospitalières) La loi peut nous protéger…
(3) Faut-il, oui ou non, que les Centres culturels mènent une action collective chaque année le 17 octobre à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère ? Si oui, comment faire ?
La réponse des participants est OUI.
– Mener des actions concrètes
– Il faut des dispositifs, pas forcément visibles, mais qui tiennent sur le long terme
– Se montrer lors d’évènements publics
– Faire acte d’unité, par exemple porter un badge, via des cartes blanches, …
Conclusion
Malgré cette unanimité, l’atelier se termine en laissant des questions cruciales en suspens :
- N’est-il pas paradoxal de constater que peu de Centres culturels participent à la journée alors que les participants à l’atelier estiment qu’il est normal d’y participer ?
- Quelle initiative porter ensemble ? Comment se mettre d’accord ?
- « Lutte contre la pauvreté » qu’est-ce que ça veut dire pour les Centre culturels?