Les Centres culturels de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont inquiets pour leur avenir et pour l’avenir de la société.
Ils étaient nombreux, les représentants des Centres culturels agréés de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à assister à la rencontre organisée par leurs organisations fédératives, le 19 mai dernier à Huy, avec l’Administration de la Culture et le Cabinet Milquet. Une mise en confrontation qui s’est avérée éprouvante, et cela pour l’ensemble des participants.
Les chiffres fournis par l’Administration le prouvent: la situation financière des Centres culturels est de plus en plus critique. Depuis 2011, les subsides de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’ont pas été indexés ; en 2014, ils ont été réduits de 1%. Les charges augmentent et les recettes ne suivent pas ; plus de la moitié des Centres accusent des déficits.
Inutile d’expliquer que la sécurité d’emploi et les conditions de travail des quelques 1200 professionnels du secteur s’en trouvent compromises. Un Centre culturel sur cinq a dû faire face à un changement de direction dans le courant des deux dernières années et les cas de burn out se multiplient.
Les nouvelles apportées à Huy par le conseiller de la Ministre suite au récent ajustement budgétaire ne sont pas de nature à rassurer le secteur. Le financement des Centres culturels restera bloqué encore deux ans au moins. Le nouveau décret qui mobilise depuis des années les énergies les plus vitales du secteur sera « appliqué », mais sans les moyens qu’il prévoit pour sa mise en œuvre. Aucun nouveau Centre culturel ne pourra être reconnu. Aucune solution pour résoudre l’impasse financière du secteur n’est présagée. Rien de concret pour conjurer les menaces qui planent sur l’emploi.
Les réactions de désarroi, d’indignation, de ras-le-bol sont vives. Comment continuer à faire vivre les 115 lieux du secteur ? Que dire aux équipes, aux conseils d’administration, aux partenaires, aux associations, aux artistes, à tous ces citoyens qui contribuent tous les jours à la multitude de projets qui s’y réalisent et avec qui d’importantes dynamiques de renouveau ont été initiées suite au nouveau décret ?
Rappelons que le décret sur les Centres culturels a été adopté, le 21 novembre 2013, à l’unanimité des voix (majorité et opposition) après un long processus de préparation associant les représentants du secteur. Aujourd’hui, les Centres culturels adhèrent avec force à ses valeurs, à ses méthodes et à sa philosophie profondément démocratique centrée sur le citoyen et ses droits culturels. Mais le nouveau dispositif est complexe, les exigences méthodologiques sont lourdes, les engagements des partenaires locaux sont à renégocier, et cela dans un contexte difficile.
Pour réussir la transition, les acteurs du secteur ont besoin du soutien de leur Ministre. Pour l’instant, ils ne sont pas certains de l’avoir. Un déficit de communication et certains propos tenus par la Ministre au sujet des orientations des politiques culturelles du XXIe siècle contribuent à un sentiment largement partagé de perte de repères, d’insécurité et de déconsidération.
Quels sont les principes qui guident les choix politiques de Joëlle Milquet ? Conteste-t-elle le nouveau décret ? Le Gouvernement se désengage-t-il du chantier de refonte des Centres culturels ? Accepte-t-il toujours que contribuer à l’exercice du droit à la culture par tous dans une perspective d’égalité et d’émancipation est une responsabilité cruciale des pouvoirs publics ?
Pour les Centres culturels, la rigueur budgétaire appliquée par le Gouvernement traduit des choix politiques qui déstabilisent non seulement leur secteur mais aussi l’action culturelle au sens large pour consolider la culture comme mission de service public et pilier d’une société démocratique et juste.
Ils rappellent une série de priorités affirmées par Joëlle Milquet au début de la législature : valoriser et promouvoir davantage le travail des artistes et les pratiques de création, réaliser un nouvelle alliance culture-école, atteindre de « nouveaux publics » et des « publics éloignés de la culture », promouvoir la diversité culturelle, repenser la gouvernance de la culture en décloisonnant les disciplines, secteurs et institutions, … Ce sont des objectifs qui touchent à l’adn des Centres culturels et qui pourraient donc y résonner fort. Mais la capacité du secteur de s’inscrire dans de nouveaux projets est anéantie aujourd’hui par les luttes quotidiennes pour pérenniser ses actions et continuer à en dégager le sens, pour sécuriser l’emploi, voire pour assurer la survie des institutions.
Le 19 mai à Huy, le représentant de la Ministre a annoncé que le Cabinet organisera prochainement une concertation avec les représentants du secteur sur les modalités d’application du décret dans les années à venir. Ce 26 mai dernier, réunies à Bruxelles lors d’une nouvelle rencontre sectorielle, les organisations fédératives restaient en attente d’informations précises.
Et la grogne continue de monter dans les Centres culturels.
En 2013, j’avais déjà tiré la sonnette d’alarme en affirmant (et une fois de plus j’avais raison trop tôt) que le refinancement et les moyens supplémentaires promis aux CC de catègories 4,3 et 2 était un leurre. Facile maintenant de mettre ce manque de moyens sur le compte de Joelle Milquet. La réduction des subventions APE, c’est pas mamy Jojo que je sache.
L’analyse des situations financières des 115 centres culturels présageait déjà une difficulté pour faire face aux dépenses de fonctionnement qui prenaient de plus en plus le pas sur les actions culturelles. L’aide des pouvoirs locaux notamment en service est plus que nécessaire mais on ne sait pas rétribuer un artiste avec la mise à disposition d’un véhicule, du matériel de scénographie ou des timbres-poste.
Lorsque j’avais fait part en son temps au directeur de Cabinet de la Ministre et au conseiller en charge du secteur les risques de licenciement, ils ont haussé les épaules.
Comme le dit la citation d’Abraham Lincoln, (qui concernait au départ l’éducation) mais adaptée et relayée par Mattéo Segers : « Vous trouvez que la culture coûte cher? Essayez l’ignorance »…