Regards sur la « crise du coronavirus »
Ce Point de vue a été rédigé, un peu avant pâques 2020, par Pascale Piérard du Centre culturel Ourthe et Meuse
Impression de jamais vu.
Les cinémas sont fermés et je ne sais quand je pourrai m’enfoncer à nouveau dans un fauteuil de velours rouge. Je m’y sentais pourtant si bien au moment où le grand écran m’emmenait vers une fiction. Cela me manque.
Hier je suis allée faire des courses. En sortant, instinctivement j’ai tourné la tête vers la terrasse du café. Le volet est baissé. C’est fermé.
Je me réjouissais de cette soirée entre amis, au théâtre, programmée dans quelques jours. Le service billetterie vient de reverser le montant des places sur mon compte bancaire. Annulation.
La coiffeuse dit que mes cheveux sont beaucoup plus beaux depuis qu’ils sont nourris avec une coloration végétale.
En me regardant dans le miroir ce matin, les premiers rayons du soleil qui filtraient sous la porte ont laissé apparaître de nombreuses mèches blanches. Plus de colo.
J’aime beaucoup la nouvelle collection de la boutique de mon quartier. Je pensais y choisir un foulard et l’offrir à une amie qui organise un grand barbecue pour ses trente ans.
Il n’y aura pas de braises.
Je suis allée cuisiner pour mon papa, âgé. J’ai nettoyé sa maison et me suis lavée les mains un nombre incalculable de fois. A force, cela irrite.
Je pourrais être arrêtée et questionnée sur mes intentions, sur le chemin du travail. La police circule. Un thriller en direct.
Pâques approche. J’ai commandé des œufs dans une maison belge de chocolat pour mes nièces. Ils vont livrer. Le chocolat c’est bon pour les liens.
Il faudra que je pense à passer au contrôle technique avec ma voiture…quand les bureaux seront ouverts.
Tous les continents sont contaminés.
Heureusement je n’avais pas l’intention d’aller en vacances, je n’ai aucune démarche à accomplir.
Dans les médias, ils appellent ça « une crise ». Si c’est une « crise », on n’en sortira pas grandis.
Si c’est un tournant, nous devons bien l’amorcer. Et c’est possible.
On invite les scientifiques sur les plateaux télé.
Les financiers et les spéculateurs n’ont plus la cote.
Il faudrait aussi les psychologues, les philosophes, les sociologues, les historiens et les autres.
Il faut qu’ils soient entendus.
Applaudir les tabliers blancs c’est bien si cela leur fait plaisir mais cela peut parfois embarrasser.
Je dois aller chercher ma nouvelle carte d’identité à la mairie. Sinon je ne saurai plus qui je suis.
Qui je suis ?
A ce jour, je suis en bonne santé.
Je suis quotidiennement en annulation d’engagements personnels et professionnels.
Je suis inquiète pour celles et ceux qui vont se retrouver appauvris.
Je suis en larmes profondes et en tristesses au ventre des deuils qui sont emballés discrètement.
Je suis méfiante de ce que j’entends, de ce que je vois, de ce que mes voisins pourraient me donner.
Mais je suis aussi admirative du courage des courageux.
Je suis solidaire de ces initiatives de cœur et de talents.
Je me dis que tout est possible.
Que les sourires généreux et les bienveillances enfuies depuis tellement longtemps en nos cœurs sont exponentiels.
Que les penseurs et les autres qui se retroussent les manches sauront nous convaincre que c’est aujourd’hui que l’opportunité est à saisir.
Que les politiciens qui sont aussi des papa et des maman entendront nos attentes.
Que la simplicité de la vie nous réjouira avec une place pour chacun.
Que lorsque tomberont les masques cousus ici ou acheminés de là-bas, on apercevra les visages de chacun.
Que l’Humanité gardera un boni de repos pour sauver sa peau,
Que les cinémas rouvriront leurs portes afin que je puisse m’asseoir dans ces fauteuils de velours rouge, avec d’autres, avec tous les autres. Chacun ayant droit à du velours sur son siège pour découvrir le film de sa vie.
Ne laissons pas passer cette période corona, qui n’est pas une crise, qui n’est pas une crise.
Cessons de l’appeler crise.
C’est un cri rouge pour nous rappeler l’urgence et la nécessité à fabriquer un velours de qualité, local, respectueux, humain et accessible à chacun et à tous !
Pascale Piérard
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