Rapport atelier 1 : Quelle est ta fréquence ?

« Quelle est ta fréquence ? Créer des dynamiques sonores alliant qualité et responsabilité »

Cliquez pour relire la présentation de l’initiative et de ses objectifs

L’ASTRAC tient à remercier:

L’ensemble des participants inscrits :
Jean-Baptiste DEBROUX (régisseur Arrêt 59 – CC Peruwelz), Pierre FASBENDER (directeur – CC Habay), Laurent FAURE (assistant technique – CC Quaregnon), Axel FUNKEN (régisseur – CC Remicourt), Quentin GILET (régisseur – CC Sprimont), Quentin HANON (régisseur – CC Pont-à-Celles), Arnaud HARDENNE (stagiaire régisseur – CC Beauraing), Corentin HORLAY (stagiaire régisseur – CC Quaregnon), Xavier LAURENT (responsable technique – CC Aiseau-Presles), Olivier LEFEBVRE (régisseur – CC Namur), Damien NARCIANDI (chargé de projets – CC Genappe), François RAMAKERS (chargé de l’accueil, de la régie et de la communication – CC Le Roeulx), Flavien RAMPAERT (régisseur – CC Nassogne), Jean-Louis ROUCHE (régisseur, conseiller en prévention – CC de Huy), Nicolas SECRETIN (régisseur – CC Beauraing)

Consultez le rapport en pdf (celui-ci ne contient pas les liens vers les outils ou les institutions)

Compte-rendu de l’atelier

L’atelier commence par un tour de table où chacun se présente.

Philippe Dineur est diplômé de l’IAD, ingénieur son, régisseur dans différents lieux. Il possédait une petite entreprise technique-son et a ensuite accompagné des artistes en tournée de par le monde, dans l’univers des « musiques du monde ».
Il attire l’attention sur la détérioration des capacités d’écoute dans la profession. Pour entendre exactement ce qui se passe dans la salle, l’ingénieur son ne se protège pas les oreilles en concert mais au-delà de 85 DB, des dégâts peuvent survenir …
Son intervention se construit autour d’une présentation de quelques aspects de la législation et d’une petite introduction en matière de théorie du son.

Guillaume Staquet est régisseur à La Vénerie, Centre culturel de Watermael-Boitsfort, et donc concerné par la législation entrée en vigueur récemment. Il a été impliqué activement à la mise en conformité du Centre culturel et témoigne de ses expériences dans ce contexte.

La législation, jusqu’il y a peu, protégeait les voisins des « nuisances sonores », mais pas les musiciens, le personnel et les spectateurs. En Communauté française, pour le lieu même de l’évènement, il n’y a pas de règles en dehors de la « nuisance au voisinage ». La police n’a souvent aucune compétence technique pour évaluer le niveau sonore. Peu à peu, le monde législatif prend des mesures.

  • En France, aux Pays-Bas et en Flandre, c’est le niveau de 85 DB qui a été retenu.
  • À Bruxelles, la législation est en place depuis deux ans et commence à être mise en application.
  • En Wallonie, le point n’est pas encore à l’ordre du jour. Les professionnels pensent que la règlementation va arriver, que c’est une question de temps. En espérant que les textes soient dans la même ligne qu’à Bruxelles et en Flandre pour simplifier le travail des régisseurs, ingénieurs son et responsables de tournées ou de salles.
    Un Arrêté royal existe (21/02/1977), mais il aborde uniquement les nuisances extérieures au lieu de diffusion. On s’attend donc à la définition d’un cadre dans les prochaines années.

Un peu de théorie
Voir aussi le document « Les pondérations » fourni par Philipppe Dineur à télécharger en format pdf.

Notre oreille est moins sensible aux sons en basses fréquences (20Hz) qu’aux sons émis en moyennes fréquences (1 000Hz). De même notre oreille est peu sensible aux bruits très aigus (15 000 Hz et plus).
Pour tenir compte de ce phénomène, des courbes de pondération A, B, et C sont définies et correspondent assez bien à la sensibilité de l’oreille. Ces pondérations corrigent les niveaux sonores mesurés par les microphones et correspondent mieux à la sensibilité de l’oreille humaine.
La pondération A est adaptée pour les environnements sonores calmes tandis que les pondérations B et C sont conçues pour des ambiances bruyantes.
– dB « A » : la pondération « A » donne peu d’importance aux basses, ce qui correspond à la sensibilité de l’oreille pour les sons purs à faible volume sonore.
– dB « C » : elle est plus chargée en graves et représente mieux le volume sonore d’un concert par exemple.

L’oreille humaine ne perçoit qu’une partie des sons auxquels elle est exposée. Au-delà ou en deçà de certaines limites, nous ne sommes plus capables de percevoir les sons, ces fréquences échappent à nos oreilles (cri d’une chauve-souris ou chant d’une baleine par exemple).

Les basses fréquences peuvent être aussi destructrices et… paradoxalement, nous en avons besoin pour la qualité du son.
Les « compresseurs naturels » de l’oreille protègent un peu l’oreille si elle entend du son en graves en plus des fréquences moyennes et aigües. Si l’oreille entend uniquement des fréquences moyennes et des aigus, cette « compression » fonctionne moins bien, l’oreille est moins protégée.

Les cils de l’oreille interne vibrent et transmettent le son au cerveau par des impulsions électriques. Les différentes longueurs des cils transmettent différentes fréquences des aigus, aux graves. Si ces cils sont cassés, ils ne se réparent pas et génèrent des bruits parasites dans le cerveau, les fameux acouphènes.

L’audition varie avec l’âge et la fatigue auditive. En devenant plus vieux, nous perdons en premier lieu les aigus, c’est l’effet « cocktail party », c’est-à-dire que nous éprouvons des difficultés à discerner des voix différentes dans une ambiance bruyante.
Si le volume sonore est envoyé sur une plage de fréquences étroites (une sirène, une alarme), cela fait plus « mal » aux oreilles même si le son reste dans des volumes sonores peu élevés en dB. 

La législation en Région bruxelloise
Trois catégories de nuisances / types de lieux sont définies.

  • < 85 dB : il n’y a rien à faire.
  • < 95 dBA. Il faut afficher un pictogramme, indiquer (affichage visible !) le niveau sonore et proposer des bouchons d’oreille. Une « zone de repos » doit être prévue, au calme.
  • > 100 dB « A » ou 115 en dB « C. » En plus des mesures ci-dessus, il faut du personnel formé gérant le son et le décibel mètre garde en mémoire l’historique du volume sonore.

On est vite à 100 dB …
Il faut dans ce cas :

  • Placer des pictogrammes
  • Prévoir un décibel mètre avec affichage visible par tous
  • Distribuer gratuitement ou à prix coutant des protections auditives
  • Mettre en place une « zone de repos » (< 85 dB) sur 10% de la zone.
  • Il faut aussi une personne de référence formée à la question auditive.

L’appareil de mesure doit enregistrer les niveaux sonores en continu durant tout les spectacles. Le décibel mètre fait une moyenne de 15 minutes en 15 minutes. Cela permet des dépassements ponctuels… s’il y a des creux qui suivent… alors les pointes sont compensées par les creux et la moyenne baisse. Souvent, le niveau sonore est plus élevé sur la scène que dans la salle où l’on mesure le niveau. Des pointes à 105 dB et plus sont courantes sur scène !

D’expérience, sur scène, le volume sonore est acceptable si on reste sous les 100 dB. Pour certaines musiques, cela n’est pas possible de rester en dessous, comme les percussions, les drums en métal, flutes à bec…

Si nécessaire, les dB mètres se louent indépendamment de la régie son. Ces appareils sont calibrés chaque année et scellés. Certaines salles sont équipées en permanence, comme le Botanique à Bxl.

Pour certains lieux, le voisinage a fait définir des normes plus strictes concernant le son qui « sort » du lieu et touche les habitations adjacentes. C’était la condition sine qua non pour ouvrir ces salles.

Questions-réponses
Le groupe est scindé en deux. Chaque groupe prépare ses questions avant de les poser à Philippe.

Q ? En quoi les caractéristiques du lieu, impactent-elles sur la puissance sonore
R : En extérieur, le son n’est pas maintenu par des parois. On perd 6 dB en doublant la distance en champs libres, sans écho (dans une vallée, les échos modifient la donne). Le freinage est différent en fonction de la température et des fréquences.
À l’intérieur, la réflexion sur les murs, le plafond, le sol, renvoie les ondes sonores et amplifie le niveau. Dans une église, les rebonds nuisent à la compréhension.
Dans une salle « normale », on perd 20 dB sur 20m.

Q ? Le système line array, est-ce une solution ?
R : Une révolution des systèmes son est en cours : on passe d’un point d’émission principal à du « line array » qui distribue mieux. Si c’est bien réglé, c’est vraiment très différent.

Un line array est un système de sonorisation constitué d’un réseau d’enceintes acoustiques à une seule dimension « en ligne », permettant de diffuser le son à forte puissance sur une longue portée. Les pertes de puissance sont plus limitées qu’avec un autre système son.  Le line array aide aussi à une meilleure intelligibilité de la voix. Il diffuse un son directif vers le public, pas au plafond par exemple.
Le niveau sonore est constant sur toute la distance. Il faut au minimum 6 « caisses » par côté pour un son équilibré sans « trous » dans le public. Il faut encore ajouter « des caissons basses ». On peut intégrer des caissons basses dans le line array placé en hauteur. Pas les subwoofers cependant, ils doivent impérativement être au sol.
Les caisses composant les line array « ouvrent » à 10° sur 100° de large. Les caisses peuvent être écartées légèrement au-delà de 10° tout en couvrant encore correctement le public.

Q ? Se protéger, comment ?
R : Avec l’augmentation des puissances sonores, les désagréments ont également augmenté. Les professionnels doivent se protéger. Travailler convenablement comme ingénieur son si l’on porte un casque ou avec des bouchons dans les oreilles n’est pas vraiment possible…

Une agression sonore provoque une fatigue auditive dont on peut récupérer en se retirant dans une zone silencieuse… Au fil du temps toutefois, cette capacité de restauration diminue.

Il faut donc utiliser les bouchons dès que possible, mais bien entendu pas quand on s’occupe du son à la table de mixage !  Se protéger aussi lorsque l’on utilise des appareils de bricolage qui font beaucoup de bruit : perceuses, disqueuses…

En ce qui concerne le matériel de protections : Attention, les casques pour enfants se désagrègent avec le temps. La mousse perd de son élasticité, comme un casque moto. Les bouchons d’oreille en silicone sont fort intéressants : ils vieillissent mieux et l’on peut choisir le niveau d’atténuation en changeant la tige centrale (moins 3, 6 ou 18 dB .. ). Il existe aussi des protections moulées faites sur mesure. Elles sont fort efficaces, mais plus chères.
La norme CEE est fiable.

Q ? Et comment protéger les musiciens ?
R : La norme est la même pour les musiciens, le public, les ingés son.
Certains sont conscients des risques, d’autres pas. Vivement le cadre légal…
Il faut dialoguer avec les musiciens et négocier. Quand le niveau est trop fort sur scène, le public entend de la « soupe » dans la salle. Il faut éviter que le volume sonore des amplis guitare et des retours scène ne dépassent le volume sonore de l’amplification de façade.

Agir avec diplomatie et modération.
Les retours de scène doivent être plus faibles que les façades ! C’est le béaba…
Si l’ampli guitare est trop fort et tourné vers le public… pousser le musicien à diminuer le niveau ou à l’orienter vers les murs / pendrillons
inciter le musicien bruyant à « laisser la place » à l’autre musicien comme dans les groupes de jazz.
Les retours in-ear sont en effet intéressants, mais il ne faut pas non plus les mettre trop fort pour ne pas se tuer les oreilles.

Q ? Le traitement de son
R : Travailler sur la compression/expansion comme sur le son émis par les radios, c’est pénible, fatiguant pour l’oreille un son toujours au même niveau, sans respiration. La musique classique ne se travaille absolument pas comme ça.

En concert, le mieux est de ménager des plages toniques et des moments plus calmes. Le régisseur son fait ainsi « vivre », « respirer » le spectacle.

Il faut se rappeler que l’’échelle des dB est logarithmique… donc, la moyenne de 100dB pendant 30 minutes et 110dB ½ heure donne 107dB.

95 dBA pendant 15 minutes, c’est agréable pour le public. Au-delà, style 100 dBA en continu, le niveau devient désagréable.

Q ? Être sous chapiteau ?
Un concert sous chapiteau est considéré comme une manifestation en extérieur, soumise donc à autorisation. L’organisateur est responsable du niveau sonore.

Pour rappel, en catégorie 3, >100 dB, la formation (trois demi-journées à Bxl) est obligatoire et intéressante; Obligatoire à Bxl, elle le sera probablement en Wallonie.

La catégorie 2 nécessite un décibel mètre avec enregistreur au-delà de minuit.

Q ? Des astuces, des points d’attention ?
Les applaudissements et les cris font monter les dB à 100 dB et même plus.

Pousser les retours scène, c’est tuer le spectacle.
Souvent les guitaristes baissent en sound check puis remontent lors du spectacle.

Les batteurs et les guitaristes ont tendance à pousser le volume. C’est dû à l’habitude de jouer dans un local de répétition trop petit. Il est nécessaire de se déshabituer, se désintoxiquer.

Les fiches techniques demandent souvent 115 dB à la console.  Répondre en disant 100 dB. C’est la loi et le confort des spectateurs.
L’organisateur est responsable de l’hygiène pour le public. Il doit baisser ou couper le son, c’est lui qui sera traduit en justice.

Certaines négociations de tarif se jouent aussi sur le respect du niveau sonore. Si le groupe dépasse, l’organisateur fait payer une pénalité.

Les systèmes de mesure du son mobiles existent, des modèles qui tiennent en main. Ils sont plus complexes à gérer.  Nécessité des 3 affichages des dB A, B, C.
Le système « fixe » se loue, c’est cher…

La France a un historique plus long sur le sujet et beaucoup de salles sont pensées, équipées, etc. De nombreux lieux sont équipés de limiteur.

Une caisse claire tape à 95 dB. C’est déjà fort, même avec des pendrillons, de la moquette… Un bon batteur sait moduler sa frappe, mais c’est rare.

Il existe des écouteurs, des casques qui émettent une onde inverse à celle du lieu, ce qui permet de limiter fortement le volume de la musique à écouter. Une piste à suivre ?

Plus le volume est dans la zone « sensible » de l’oreille, plus ça fait mal. Sirènes, ambulances, alarmes…